L'EMPEREUR GALLIEN


L'empereur Gallien est un des empereurs les plus controversés de l'histoire romaine. Inconnu ou presque du grand public qui lui préfère les empereurs sanguinaires tels que Néron, Caligula ou Caracalla, emblématiques tels que César ou Auguste, philosophes tels que Marc Aurèle ou Julien l'apostat. Gallien, de surcroit est largement condamné par l'Histoire Auguste (textes latins écrits après sa mort) alors que les historiens grecs ont plutôt tendance à l'encenser. Malheureusement, les historiens français jusqu'au XIX éme siècle se réfèreront davantage à l'Histoire Auguste et laisseront de cet empereur une image terrible (décadent, lâche, débauché, incompétent ...). Heureusement, au XX éme siècle, Léon Homo lui rendra grâce en réhabilitant son oeuvre.

Pourtant, on peut imaginer, dans ces périodes troubles de l'histoire de l'ancien monde, qu'un Empereur dont le règne s'inscrit dans la durée, marque son époque. Ce fut le cas d'Auguste (plus de 40 ans de règne), Tibère (22 ans), Trajan (19 ans), Hadrien (20 ans), Antonin (22 ans), ...

Entre Alexandre Sévère (13 ans de règne, mort en 235) et Dioclétien (début du règne en 284, 20 ans de règne), seul Gallien a régné près de 15 ans. Sur 27 Empereurs qui ont eut le pouvoir en 50 ans :

  • 12 ont régné moins d’1 an
  • 8 entre 1 et 2 ans
  • 2 entre 2 et 3 ans
  • aucun plus de 7 ans

 

On garde de lui trois faits fondamentaux :

  • Il a supprimé la fonction militaire des sénateurs en 262 :
    Les postes vont revenir aux plus capables ! On comprend mieux l’animosité à son égard ...
  • Il a laissé se développer 2 états indépendants :
    • l’Empire Gaulois avec Postume
    • l’Empire de Palmyre avec Odenath
  • Il a favorisé le christianisme
    (Edit de tolérance ou "petite paix" de l’Eglise) en 260

Empereur cultivé, philhellène, il favorise les arts : c’est une époque brillante pour la peinture, la sculpture et la philosophie. Sa cour est animée par sa brillante et cultivée épouse Salonine (native de Grèce) ... dont "on" dit qu’elle avait quelques penchants pour la religion chrétienne. Le philosophe Plotin (néo-paltonicien) y anime la conversation et les idées (on y trouve aussi son élève Porphyre).

Certains auteurs s'appuient, pour confirmer leurs dires sur un antoninien de Salonine avec au revers soit AUGUSTA IN PACE soit AUG IN PACE. Ils font ainsi référence à ces paroles qu'on chante à l'office des morts et qu'on retrouve sur les pierres tumulaires  : REQUIESCAT IN PACE. Ils semblerait que cette légende de revers n'a rien à voir avec un possible penchant de l'impératrice pour la religion chrétienne.
On peut imaginer que ce « penchant », si penchant il y avait,  n'aurait rien eu d'exclusif, Vénus, Vesta, Diane, Céres, Junon, pour ne parler que des Dieux majeurs du Panthéon romain, sont aussi largement représentés sur les monnaies de Salonine.
Qu’elle ait eu une curiosité bienveillante envers les chrétiens est probable, ne serait-ce que d'un point de vu philosophique (rappelons que Plotin regarde tout être et tout non-être comme des modes de l’Un, que l’âme de chacun de nous fait partie de cette plus grande Âme qu’est l’Âme du monde (Lucien Jerphagnon id.). Ca fleure bon le monothéïsme, non ?

  •  Sur le plan financier il ne put empêcher l’inflation de prendre des proportions extraordinaires.

De 253 à 268 la monnaie se déprécia fortement, la teneur en argent déclinant pour pratiquement disparaître tout à fait.
Les premières monnaies sont en argent, puis, au fil du temps ...

Les poids théoriques des monnaies de Gallien


Que lui reprochent les historiens antiques (l’Histoire Auguste, Aurelius Victor, Euthrope)   ?

  • Ils le peignent comme quelqu’un de cruel : pourtant à la différence de son père qui a persécuté les chrétiens, il promulgue dès 260 un édit de tolérance.
  • Ils le disent débauché : rien ne le prouve et sous son règne les chefs d’œuvre fleurissent, Plotin le néo-platonicien est à la mode, les arts, la peinture sont favorisés, c’est un homme cultivé et intelligent qui privilégie la compétence au nom, la paix à l’aventure. Philhelène, il est sans doute pétri de philosophie.
  • Ils le disent indifférent au sort de l’Empire : pourtant il a réformé efficacement l’armée pour qu'elle puisse intervenir rapidement partout où le besoin se fait sentir. Sous son règne, le rôle de la cavalerie est primordial.
  • Ils le disent lâche pour avoir abandonné son père aux mains de Sapor Ier (en 259, Gallien inflige une cuisante défaite aux Alamans (ils ne réapparaîtront plus avant 267). C’est après cette victoire qu’il apprend la capture de son père par le roi des Perses Sapor Ier) :

Que pouvait-il faire d’autre pressé qu’il était, en Gaule et dans les provinces danubiennes,  par les Barbares, en Orient par les Perses ? En laissant le pouvoir à Postume et à Odenath, deux généraux de talent, il a protégé l’Empire.
Le pouvoir était à Rome beaucoup trop fragile face aux sénateurs pour engager une campagne risquée contre le Perse. En fait Gallien a retardé par ses actions la Chute de l’Empire Romain et favorisé l’arrivée des généraux illyriens de son Etat Major au pouvoir. N’oublions pas que sous son règne la peste fait de terribles ravages : l’Histoire Auguste avance le chiffre (incontrôlable) de 5 000 morts par jour !

On peut dire sans excès que Gallien fut un des Empereurs importants de l’Empire Romain. Ses 15 ans de règne n’ont pas apporté la paix. Soit ! Mais ils ont évité le Chaos ! En ce sens il mérite une place de choix au Panthéon des grands Empereurs Romains.

 

Claude II dit "le Gothique" (appelé ainsi en raison de ses victoires sur les Goths), originaire de Dalmatie, commence sa prise du pouvoir par un donativum de vingt pièces d'or par soldat, pour calmer les armées mécontentes du meurtre de Gallien.
Pour un empereur paré de tous les vices (nous parlons de Gallien), il paraît curieux  que son successeur se voit obligé d'agir pour calmer les esprits, dans le même état d'esprit, il s'empressa de faire voter l'apothéose de Gallien, ce qui permettait, aussi, en outre, de couper court aux rumeurs de son implication dans l'assassinat de son prédécesseur.

Cet apothéose ne s'adressait sans doute pas seulement aux légionnaires (Caracalla était lui aussi fort aimé de ses soldats) mais peut être surtout aux romains. Quid du portrait dressé par l'Histoire Auguste ?

 

LES MONNAIES FRAPPÉES SOUS GALLIEN

(un échantillon des monnaies par ateliers de frappe)

pour en savoir plus voir le site : https://collection-cdoue-romaines.jimdo.com

L'Atelier de ROME


Règne conjoint avec Valérien Ier jusqu'en 260

Règne seul de 260 à 268


série du bestiaire (267)



Frappes de Rome de 260 à 268



L'Atelier de Milan


Les Antoniniens des Légions


Autres antoniniens de Milan



L'Atelier de Trêves

Parfois attribué à Cologne et anciennement attribué à Lyon.


L'Atelier de Viminacium


L'Atelier de Siscia


L'Atelier d'Antioche


Règne joint



Règne seul



L'Atelier de Samosate


L'Atelier de Cyzique



QUELQUES ATELIERS PROVINCIAUX



QUELQUES "CURIOSITÉS"

Faux d'époque (1-2), monnaie incuse (3), double frappe (4-5)


POUR EN SAVOIR PLUS ...

 

  • Bernard Rémy, Bertrandy François, L'Empire romain de Pertinax à Constantin. 192 - 337 après J.-C : aspects politiques, administratifs et religieux, Paris, Ellipses, 1997, 223 p.
  • Bordet Marcel, Précis d'histoire romaine, Paris, Armand Colin, Collection U, 1969 (édition de 1975), 326 p.
  • Bouvier-Ajam Maurice, Les Empereurs gaulois, Paris, Tallandier, 1984, 422 p.
  • Christol Michel, L'Empire romain du IIIe siècle. Histoire politique de 192, mort de Commode, à 325, concile de Nicée, Paris, Errance, 1997, 287 p.
  • Cohen Henry, Description historique des monnaies frappées sous l’Empire romain, t. V, Rollin &  Feuardant éditeurs, 1885, 542 p.
  • Göbl Robert, Moneta Imperii Romani. Die Münzprägung der Kaiser Valerianus, Gallianus, Saloninus (253-268), Wien, Osterreichischen Akademie der Wissenschaften, 2000, 251 p.
  • Homo Léon, "L'Empereur Gallien et la crise de l'Empire romain au IIIe siècle", Revue Historique, t. CXIII, Paris, Librairie Félix Alcan, mai-août 1913
  • Prieur Michel, Schmitt Laurent, Les monnaies romaines, Paris, Les Chevau-légers, 2004, 768 p.
  • Zingg Christian, Zosso François, Les empereurs romains. 27 av. J.-C. - 476 ap. J.-C., Paris, Errance, 1994, 253 p.

 

Voir également les publications concernant le trésor d'Eauze.

Le CND remercie la municipalité 

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